L'arbre urbain : en hiver, il craint le sel tout autant que le gel !
En ville, l'arbre peut se fendre en raison du gel, casser sous le poids de la neige ou du verglas, ou être victime de « nécroses corticales orientées », les fameuses échaudures. Attention aussi au sel, qui anémie littéralement les sujets sensibles. Le choix des essences et de la taille de plantation est décisif.
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La 25e ArboRencontre organisée par le Conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) de Seine-et-Marne s'est déroulée le 2 février 2012, à Avon, près de Fontainebleau, sur le thème de « l'arbre en conditions hivernales ». Une première série d'interventions, rapportées ci-après, concernait les effets du gel, de la neige et du verglas sur les arbres et des préconisations de gestion, à travers l'expérience de la ville de Nancy. La problématique du salage des voiries et de l'espace public a ensuite été abordée sous l'angle de l'impact sur les arbres, puis des moyens à mettre en oeuvre pour concilier viabilité hivernale, respect des végétaux et, plus globalement, de l'environnement.
Un travail de sensibilisation et d'information doit être mené auprès des services techniques des communes et départements, mais aussi de la population et des élus. Ce volet sera abordé en s'appuyant sur les exemples de la ville d'Annemasse et de Nancy dans une prochaine édition.
1 LES DÉGÂTS DIRECTS LIÉS AUX CONDITIONS HIVERNALES.
En période hivernale, on distingue deux types de phénomènes pouvant entraîner des dégâts sur les arbres : le gel et les précipitations (neige ou verglas). Lorsque la période de gel est de courte durée, les conséquences sont négligeables. On peut observer des flétrissements du feuillage chez les feuillus persistants, sans que cela ne remette en question leur survie. Mais si le gel se prolonge durant plusieurs jours, avec des températures négatives basses, le sol peut rester gelé en permanence, y compris en journée et l'eau du sol n'est plus disponible. On peut voir apparaître des dessèchements plus importants du feuillage ainsi que la mort de jeunes pousses ou de bourgeons, avec un impact non négligeable sur le développement futur des arbres.
« Les mécanismes physiologiques permettant d'expliquer l'impact du gel et surtout des cycles gel/dégel sur les végétaux ligneux sont complexes », précise Thierry Améglio, directeur de l'unité mixte de recherche Piaf (physique et physiologie intégratives de l'arbre fruitier et forestier) – Inra de Clermont-Ferrand. Ils sont liés à la capacité du végétal, variable selon les espèces, de constituer des réserves sous forme de sucres solubles et de diminuer la quantité d'eau dans les tissus pour limiter ainsi le risque de prise en glace et d'éclatement des cellules.
Précoce, le gel touche les feuillus en provoquant une défeuillaison avancée et parfois la mort de pousses terminales, ce qui a pour conséquence l'apparition de fourches l'année suivante. En cas de gel tardif, c'est surtout l'aspect décoratif des fruitiers d'ornement qui risque de souffrir. En ville, les gélivures, fentes du bois résultant de son éclatement sous l'action du gel, peuvent favoriser le développement de chancres ou l'entrée de pathogènes au coeur de l'arbre.
2 LES ÉCHAUDURES RESTENT UN PROBLÈME SUR LE TERRAIN.
Le phénomène d'échaudures (ou nécroses corticales orientées) apparaissant sur les troncs des jeunes plantations constitue un problème récurrent pour certains gestionnaires de collectivités territoriales ces dernières années. Les dégradations peuvent compromettre le maintien des arbres atteints, car elles ont un impact fort d'un point de vue esthétique et mécanique. Les études menées par le Piaf en collaboration avec le conseil général du Val-de-Marne, le Syndicat d'agglomération nouvelle (SAN) de Saint-Quentin-en-Yvelines et Vincent Dellus, expert en arboriculture, tendent à montrer que la combinaison de gels précoces associés à la présence de changements de températures importants au sein du tronc, liés aux rayonnements solaires, sont à l'origine de ces échaudures.
3 LA NEIGE ET LE VERGLAS, DES DÉGÂTS EXCEPTIONNELS.
La neige cause rarement des dégâts graves sur les arbres. Le plus souvent, elle provoque quelques bris de branches. Mais elle peut altérer leur aspect ornemental lorsque les chutes sont abondantes sur un laps de temps court ou si la neige est humide et donc lourde. Le constat est similaire pour le verglas, qui peut s'accrocher aux rameaux et constituer une véritable gangue de glace lorsque les températures négatives se prolongent. Mais ce type de phénomène est assez exceptionnel en France. Les arbres qui semblent les plus fragiles sont les formes fastigiées et les ports pleureurs.
4 LES SELS DE DÉNEIGEMENT, UN FLÉAU POUR LES ARBRES.
Les sels utilisés en période hivernale pour le salage des voiries et de l'espace public sont pour la majorité constitués de chlorure de sodium. Celui-ci constitue un véritable poison pour les végétaux, sauf pour les plantes halophytes, végétaux de bord de mer, de désert, de marais ou de lac salé. Les symptômes d'une pollution par le sel sont proches de ceux liés à la sécheresse : jaunissement, chloroses marginales, brûlures et nécroses progressant de l'apex et des marges des feuilles vers le centre, dessèchement complet et chute. On peut noter aussi l'altération des bourgeons. Seule une analyse ionique permet de confirmer avec certitude l'origine du dépérissement dans certaines situations, lorsque la pollution n'est pas « flagrante », parce qu'elle est ancienne ou a été très temporaire.
Dissous dans l'eau, le cristal de NaCl libère des ions qui vont se substituer aux autres ions présents sur les agrégats du sol, ces derniers étant lessivés. Or certains d'entre eux sont indispensables aux végétaux, comme le potassium, le calcium ou le magnésium. Des phénomènes de carences peuvent apparaître. En outre, une forte concentration de sel dans le sol rend difficile l'absorption de l'eau par le système racinaire, car la pression osmotique du sol est supérieure à celle des végétaux. Les ions absorbés par le biais du système racinaire vont migrer dans la plante par la sève brute, surtout le chlore. En sa présence, le fonctionnement des feuilles est altéré. Les stomates restent ouverts aux heures les plus chaudes, au lieu de se refermer pour limiter la transpiration et les pertes en eau. La photosynthèse est perturbée, avec pour conséquence une diminution de la fabrication des sucres indispensables au développement des végétaux et à la constitution de réserves.
Si les conditions le permettent, l'arbre qui a perdu en avance une partie de son feuillage aura tendance à en fabriquer un nouveau pour compenser les pertes. Cela se fera au détriment du stockage de réserves et si les repousses se succèdent dans la saison, le sujet atteint s'affaiblira, avec parfois des phénomènes de nanification des rameaux et des feuilles. En présence d'une pollution par les sels de déneigement, l'action toxique passe essentiellement par le sol. Mais le passage des véhicules sur la neige fondue est à l'origine de la création de brouillards salés, combinant chlorure de sodium et particules polluantes ou abrasives, qui peuvent être projetées à plusieurs mètres de hauteur.
5 GÉRER LES ARBRES EN PÉRIODE HIVERNALE : L'EXEMPLE DE NANCY.
« À Nancy, les conditions climatiques se caractérisent par une moyenne de 70 jours de gel par an, des températures minimales couramment inférieures à - 15 °C et une amplitude journalière pouvant dépasser 15 °C », explique Yannick Andrès, responsable du patrimoine arboré de la ville. L'une des premières mesures pour limiter les conséquences des conditions hivernales sur les arbres est d'adapter la palette végétale, en utilisant de façon courante une gamme rustique et comportant peu de feuillus persistants. Une attention particulière est portée sur le choix de pépinières correspondant à des climats similaires à celui de la région Lorraine (essentiellement nord de la France et de l'Allemagne) et sur la sélection de sujets situés dans des carrés où les arbres sont bien à distance les uns des autres. « Nous faisons aussi le choix de ne pas planter de trop gros sujets, à savoir principalement des calibres 16/18 et 18/20 pour une implantation plus rapide sur site. Ensuite, tout est fait pour installer les arbres dans des conditions optimales, avec des fosses de plantation conséquentes, une terre végétale de qualité et un suivi de l'arrosage par tensiométrie dans la phase reprise. La taille de formation des jeunes plantations s'avère d'autant plus importante qu'elle permet de réparer les petits accidents de l'hiver », poursuit Yannick Andrès. Pour protéger les jeunes arbres contre le gel, le service utilise des protections de tronc, toile de jute, natte de bambou. Pour les sujets les plus gros, le marquage du nord en pépinière permet de replacer les arbres selon la même orientation sur les chantiers.
Concernant la gestion de la problématique des sels de déneigement, la prévention reste la meilleure des démarches, car les méthodes curatives telles que le lessivage sont peu efficaces en milieu urbain. Le travail porte d'abord sur le choix d'une palette végétale réputée peu sensible. En termes de conception des projets de plantation, il est aussi possible de prévoir des protections au pied des arbres, sous forme de bordures et/ou de végétalisation par des couvre-sols pour limiter la contamination de la zone plantée par le sel.
Les conditions climatiques hivernales peuvent constituer un danger pour les arbres, mais le froid n'a pas qu'un impact négatif. Il permet de réguler les cycles végétation/repos et limite l'apparition de certains ravageurs.
Yaël Haddad
Pour en savoir plus : www.arbres-caue77.org
Les échaudures apparaissent sur les troncs des jeunes plantations et peuvent compromettre le maintien des arbres atteints car elles ont un impact esthétique et mécanique fort. PHOTO : CAUE 77
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